Le Forum des sociétés de journalistes demande à rencontrer Nicolas Sarkozy
LE MONDE | 28.06.07 | 11h04 • Mis à jour le 28.06.07 | 11h07
ercredi 27 juin, des salariés des Echos et de La Tribune,
les deux concurrents de la presse économique, étaient assis à une même
table. Ils étaient réunis lors du Forum permanent des sociétés de
journalistes (SDJ), créé il y a trois ans et qui rassemble aujourd'hui
vingt-sept SDJ de différents médias.
L'assemblée était nombreuse, car le contexte est historique: le
groupe de luxe LVMH, dirigé par Bernard Arnault, a en effet annoncé
jeudi 21 juin son intention de racheter le groupe des Echos, pour 240 à 250 millions d'euros. S'il met la main sur le premier quotidien économique français, LVMH devrait alors vendre La Tribune,
qui lui appartient. Les salariés craignent une revente avec
précipitation, une cession sans sa régie publicitaire étant évoquée, ce
qui serait dommageable pour le titre. Depuis cette annonce, les
journalistes des Echos se battent pour s'opposer à la vente de leur journal à Bernard Arnault.
"Cette
affaire traduit le mépris qu'ont certains actionnaires de la valeur
d'une entreprise de presse, des journalistes et de leur indépendance", a affirmé François Malye, président du forum des SDJ et président de la SDJ du Point. "Cette façon d'acheter un journal comme on le fait d'une marque est détestable", souligne le communiqué du Forum des SDJ.
Les exemples mentionnés par le Forum sont nombreux : "Les atteintes à l'indépendance des rédactions qui se multiplient", notamment la censure d'un article, au Journal du dimanche (HFM, groupe Lagardère), sur le"non-vote" de Cecilia Sarkozy au second tour de la présidentielle, la censure d'un article de Matin Plus (gratuit détenu à 70 % par le groupe Bolloré et à 30 % par Le Monde), le licenciement d'Alain Genestar de son poste de directeur de Paris Match. Les membres des SDJ du groupe Lagardère étaient présents, mercredi 27 juin, pour rappeler la forte mobilisation en interne.
Ce
climat agité touche aussi les radios et télévisions, avec, notamment,
la décision de France 5 de supprimer le magazine critique sur la
télévision "Arrêt sur images". L'antenne de France Inter devait être
perturbée jeudi 28 juin pour protester contre la prochaine éviction de
l'émission "La Bande à Bonnaud".
Le Forum a également pointé les
tentatives de perquisition de plus en plus nombreuses, comme celle au
Canard enchaîné lors de l'affaire Clearstream. Les journalistes ont
rappelé que ces dispositions sont contraires au droit européen sur la
protection des sources des journalistes. Ils ont évoqué aussi la
précarité économique de la profession et les plans de départs nombreux
dans les médias.
"MODERNISATION LÉGISLATIVE"
Dans ce contexte tourmenté, les SDJ ont donc demandé à "rencontrer le plus rapidement possible le président de la République, Nicolas Sarkozy". "Dans une période où la presse vit une mutation économique et technique difficile", écrit le Forum, il est "indispensable" qu'"une modernisation législative des textes encadrant les médias soit lancée", comprenant la reconnaissance juridique des SDJ, l'instauration d'un droit de veto – comme au Monde –
donnant aux rédactions le pouvoir de s'opposer à un directeur de la
rédaction. Une charte déontologique est également en cours de
rédaction. La profession est très mobilisée. "Il ne s'agit pas d'une vaine agitation corporatiste", indique le Forum, pour qui ces propositions "permettraient de garantir l'indépendance des rédactions sans interférer avec le pouvoir légitime des éditeurs".
Les salariés des Echos et de La Tribune ont
reçu le soutien du Parti socialiste (PS). Anne Hidalgo, secrétaire
nationale à la culture au PS, et Alain Vidalies, secrétaire national
aux entreprises, indiquent que le PS interpellera "le président de
la République et le gouvernement sur les mesures qu'ils entendent
prendre pour préserver le pluralisme de l'information".